Une archive du 24 janvier 2008 qui résonne bien avec l’actualité de la perte de ma chaudière.
Jeudi 24 janvier 2008 Cher Francis, Hier soir alors que je m’endormais sur le coup des 20H00, ma mère est venue m’apprendre la tragédie qui venait de toucher notre famille. Un nouveau décès venait de se produire, notre vieille TV couleur qui depuis plusieurs mois mettait dix minutes à démarrer ne s’allumait plus du tout. Alors tu vas me dire qu’il ne s’agit que d’un objet et que cela n’a que peu d’importance vu que cette télévision peut être remplacée. Ah ça des modèles pour lui succéder je vais en trouver! Mais rien ne remplacera mon vieux poste couleur et les souvenirs que j’en ai… Crois-moi ou non mais cette télévision a été achetée en 1985 par mon père. Nous venions de vendre une maison en ruine en Saône et Loire et mon père avait décidé de se faire plaisir. Il avait donc acheté cette télévision, une antenne tournante pour capter les chaînes suisses et une chaîne Hi-fi. C’était un samedi, l’installateur arriva et brancha l’animal. J’étais tout heureux car à 14 ans j’allais enfin avoir une télévision couleur chez moi. Et ce fût alors la plus belle période de ma vie avec la découverte de la télévision suisse romande et de ses programmes très décalés, des très bonnes émissions de rock, les séries, les films récents avant leur diffusion sur les chaîne françaises… Un univers bariolé de fantaisies et d’interdits s’offrait à moi. Mes souvenirs de cette télévision sont si nombreux, mais ce qui me restera le plus sera sans nul doute le souvenir de ces samedis soirs où je me relevais en douce la nuit pour regarder les films d’horreur de la Télévision suisse romande. De bons gros films d’horreur bien moches avec monstres dégoulinants et hémoglobine à volonté… Mon père ne profita que trois ans de ce bel appareil qui à l’époque était très luxueux. Pendant ces trois ans il n’avait de cesse de m’appeler pour me montrer les opéras qu’il regardait sur les chaînes allemandes. Il aurait tant voulu que je partage sa passion pour ce que je perçois encore comme des atroces gueuleries sans sens ni harmonie. Si j’avais su que la vie allait nous séparer si vite, je me serai forcé à rester plus longtemps assis sur le fauteuil, les pieds nus sur le sol froid de marbre reconstitué… Au fond, nous avons tout de même partagé des choses grâce à cet objet. Je me rappelle des soirs où ma mère partait à des réunions de catéchisme et où je restais avec mon père. Ce dernier m’appelait pour me montrer des choses intéressantes. Je me souviens ainsi avoir vu et entendu les Beatles avec le film « yellow submarine » aux « enfants du rock » sur antenne2 et mon premier film d’horreur « l’invasion des profanateurs », deux découvertes faites et amenées par le biais de mon père qui devinrent très vite deux passions… 23 ans de ma vie se sont reflétés dans cet objet qui ne s’animera plus jamais. Cette télévision qui non seulement est le temple de mes souvenirs télévisuels mais aussi le dernier souvenir qui me rattache à mon père, risque à présent d’être envoyé à la casse par ma mère qui ne comprends rien à mes états d’âme vis à vis de cet objet. Il est 21h23, pour la seconde nuit de la semaine, le silence de ma demeure n’est troublé que par le bruit du ventilateur de mon vieil ordinateur et par le cliquetis discret des aiguilles à tricoter de ma mère. Ma télévision est morte en emportant avec elle les souvenirs de tant de moments heureux de ma jeunesse qui elle aussi est sur le point de s’éteindre. Et il n’y aura pas de rediffusions… |