Archive du vendredi 14 octobre 2005
Cher Francis,
Ce soir est un soir à marquer d’une pierre blanche… après deux mois de recherches et de devis j’ai enfin réussi à commander mon premier ordinateur portable !!! Cette petite bête de course arrivera chez moi dans 9 jours.
Ce jour a aussi été le jour où j’ai dit au revoir et sans doute adieu à une jeune fille qui fréquentait l’école spécialisée où je travaille. Après avoir été son éducateur référent et l’avoir accompagné toute une année j’ai cru que son départ allait me causer une grande peine. J’ai été ainsi surpris de constater que cela n’a pas été le cas. Mais quelles sont les raisons qui expliquent cela ?
En premier lieu il y a l’attitude de la jeune fille qui était très joyeuse de partir. Elle quitte un bloc HLM pour habiter dans une maison près du reste de sa famille. D’autre part il y a le contexte des adieux… pas de discours ni de larmes mais une fête où cette demoiselle nous a offert un numéro de danse avec deux de ses copines… Enfin, et c’est là le plus important je crois, ce départ a été indolore pour moi grâce à un travail personnel que j’avais achevé sans m’en rendre compte.
Les travailleurs sociaux qui œuvrent dans le domaine humain doivent gérer les affects et admettre les sentiments d’amitié voire d’amour qui les unissent aux personnes avec qui ils travaillent. Cependant il faut aussi pour nous éviter de tomber dans trop d’affectif menant à une relation fusionnelle destructive pour les deux parties… trouver le compromis c’est trouver la bonne distance.
Cette bonne distance n’est pas définie. Bien au contraire cette notion ne cesse de varier selon les circonstances et les limites des personnes. Selon Alexandre Jollien la distance froide de certains travailleurs sociaux ayant travaillé avec lui a été pour lui la pire des maltraitance. En ce qui me concerne je crois avoir avancé dans la découverte de ma bonne distance.
Pour moi les enfants dont nous nous occupons ne font que passer par nous, ils nous sont confiés le temps d’un cursus afin de progresser aidés par des projets. Leur départ nous montre qu’ils sont prêts à passer à autre chose et qu’ils doivent rencontrer d’autres personnes pour continuer d’avancer sur le chemin de la vie. Je dois donc être heureux de les voir partir. De plus la relation que j’avais avec eux continue, seuls les lieux changent.
Merci donc à toi chère Demoiselle, ton départ m’a aidé à faire le point sur cet aspect important de mon travail… J’espère que tu resteras aussi heureuse que tu l’étais cet après midi.
Au revoir et adieu
La distanciation est devenue plus que naturelle pour moi, la preuve, je ne me souviens même plus de qui était cette gamine… Je me détache de toute émotion humaine, mes pairs m’ont trop fait souffrir…