La légende de Toshiyuki

Archive du mardi 19 décembre 2006

Mardi 19 décembre

Cher Francis,

       Oserai-je y croire? La magie de Noël s’est-elle finalement frayé un chemin dans mon cœur aigri? Le fait est que ce soir mon rhume semble guéri après cette ballade en forêt dans un froid intense. Autre fait incroyable, un de mes émissaires m’a trouvé une voiture du type de celle que je rêve de retrouver depuis des années, une 309Gt.

Il y a de cela sept ans, par un soir de pluie, un accident tragique détruisit ma première voiture que j’aimais tant, une 309 Gt qu’un ami m’avait vendu pour 3000 francs. Ce soir là le ciel pleurait, moi je ne faisait que l’imiter. Je n’ai gardé de cette voiture que j’aimais tant pour sa puissance et sa robustesse que le lion de calandre avant qui avait été éjecté par le choc de la collision avec la voiture que j’avais percuté.

Ce soir donc je reçois un message d’une connaissance rencontré sur le site des amateurs de 309 me disant qu’il en a trouvé une à Nancy. Sur les photos je découvre la réplique exacte de ma Blandine.

Détail très étrange: sur les photos de cette nouvelle Blandine il manque le lion de la calandre avant…

Alors Francis, souhaite-moi bonne chance pour demain… J’espère en effet que mon premier contact avec le vendeur sera concluant et que bientôt je serai le propriétaire de deux 309 s’épaulant dans le labeur quotidien consistant à me mener à mon lieu de travail.

20 ans plus tard cette 309 est encore dans mon garage. Cet article de blog n’était que le début de cette histoire un peu folle.

Archive Nipponophile

Archive du mardi 7 novembre 2006

Cher Francis,

       Tu le sais depuis le temps que je te le dis, je suis passionné par le Japon. C’est sans doute cela qui m’a amené à m’inscrire sur un site pour japonais cherchant des correspondants français pour échanger des messages. 

Cependant je n’ai encore trouvé personne. Je dois être trop vieux, ou trop éloigné de ce que recherchent les nippons. D’un autre coté je me dis que c’est peut-être mieux ainsi, mes précédentes expériences de rencontre de personnes étrangères par le biais d’Internet se sont toute terminées de façon tragi-comique. 

Le temps faisant je devrais donc être vacciné contre ces idioties, cependant mon désir de rencontrer et de partager avec des ressortissants de l’empire du soleil levant est de plus en plus fort. Les japonais ne sont pas rares dans nos contrées surtout vers la gare de Mulhouse. Il m’arrive souvent d’en croiser mais pour ce qui est d’entrer en contact avec eux tout se complique. Généralement les nippons se méfient toujours des étrangers et ont des rapports très distants avec les personnes des pays qu’ils visitent en se limitant aux salutations et aux petites phrases préparées qui leur permettront de réaliser leurs objectifs de voyage stéréotypés. 

Il y a deux ans j’avais ainsi rencontré une japonaise perdue à la gare de Mulhouse et qui cherchait un train pour se rapprocher de Belfort afin de visiter la cathédrale de Ronchamp. Cette dame de la quarantaine comptable dans une fabrique de savon à Osaka ne parlait ni ne comprenait un seul mot de français et s’exprimait dans un anglais très limité et approximatif.

L’occasion était trop belle. Après l’avoir repéré et laissé m’approcher je travaillais à la mettre en confiance afin de l’amener à me parler d’elle et de son pays. C’est ainsi que dans le train nous nous échangeâmes chocolat suisse contre bonbons japonais aux couleurs et formes étranges et qu’elle commença à me parler de sa vie au Japon tout en me fabriquant toute une famille d’oiseaux en origami. De mon coté je plaçais avec brio mes quelques mots de japonais tout en lui montrant ma connaissance précise mais très limitée des usages sociolinguistiques de son pays.

Le voyage se termina par son débarquement en gare de Belfort non sans lui avoir laissé mon e-mail avec la promesse de m’envoyer des nouvelles et de continuer à échanger.

Bien sûr je n’ai jamais reçu de réponses…

A bien y réfléchir cela est tout à fait normal mon comportement trop gentil et gratuit n’est pas une attitude normale et ne peut que mettre mal à l’aise des étrangers habitués à des rapports distants et encadrés par une foule de règles intransigeantes.

C’est pour cela que j’espère trouver par le biais d’Internet une personne venant ou vivant au Japon et qui ressente comme moi cette envie de s’ouvrir à un ailleurs, à une culture aux antipodes de la mienne afin de progresser dans la connaissance de l’autre.

Bon je retourne à la chasse !!!

Deux ans plus tard je laissais tomber pour de bon ce délire, le Japon se passera de moi et c’est sans doute mieux comme ça. 🙄

En guerre contre les construits sociaux

Archive du lundi 10 octobre 2005

Lundi 10 octobre

  Cher Francis,

         Le soleil brille avec force depuis plusieurs jours sur notre chère Franche-Comté. Nous sommes en train de vivre un vrai été indien. Ce faux printemps m’a remis du baume au cœur. Cependant ce qui m’a vraiment aidé à retrouver mon entrain habituel a été cette belle journée passée auprès des enfants.

          Dès le matin ils manifestent leur joie de me revoir sans fausse pudeur et sans retenue comme seuls les enfants savent le faire. Certains même m’appellent mon pote, je suis obligé de préciser les choses mais je ne peux ignorer ce qui est derrière ce qualificatif. Bien loin d’être un manque de respect cette façon de parler est une marque d’affection qui malgré sa maladresse me fait un grand plaisir. C’est d’ailleurs pour cela que je reprends à chaque fois en commençant par dire « moi aussi je suis content de te revoir mais… »

           Et oui mon cher Francis tu sais que je travaille auprès d’enfants dits handicapés. Pourtant pour moi aucun d’entre eux ne l’est, ils ont leurs problèmes et leurs limites comme chacun d’entre nous. Je ne vois jamais un enfant comme un être porteur d’une pathologie ou d’un trouble psychique. Ce que je vois c’est un enfant que je connais et que je respecte pour ses qualités. Bien sûr cela est facile lorsque l’on travaille avec les mêmes jeunes présentant des troubles limités, ma belle philosophie serait sans nul doute un vrai défi dans le cadre d’un travail avec un public moins apte à communiquer ce qui fait d’eux des êtres uniques et irremplaçables.

Bien sûr mon travail avec les jeunes prend en compte les difficultés que leurs pathologies amènent. Cependant pour moi les précautions à prendre dans un récit avec un jeune présentant des troubles psychotique sont de même nature que celle à prendre avec une personne allergique lors d’un banquet constitué de mets divers et variés. Il s’agit juste d’une particularité de la personne et non d’une immense tare qui vient souiller l’intégralité de son être physique et psychique comme le terme « handicap » le suggère.

Je déteste ce terme qui pour moi est vide de sens et qui sert avant tout à stigmatiser une partie importante de la société pour rassurer l’autre partie qui elle s’estime différente, supérieure car épargnée par la loterie génétique. En effet le handicap n’est pas un critère objectif. Il s’agit au contraire d’une construction intellectuelle hautement subjective dont le contenu ne cesse de varier. C’est ainsi qu’au siècle dernier les boiteux n’étaient pas considérés comme des handicapés.

Nous pouvons même, mon cher ami muet, imaginer une société hygiéniste où l’obèse sera lui aussi classé comme handicapé… Il suffit juste d’une petite volonté politique pour y arriver…

Cette notion de « handicap »devrait disparaître au profit du terme désavantage. D’autre part elle ne devrait concerner que la prise en charge matérielle par la société des aspects matériels et pécuniaires des incapacités. 

Hélas à notre époque l’étiquette « handicapé » déborde sur tous les aspect de vie de la personne la résumant à son handicap. La personne peut être un philosophe émérite, un grand acteur, un immense scientifique, il reste avant tout Alexandre Jollien l’infirme moteur cérébral, Duquenne le trisomique du huitième jour, et Hawkings le paralytique.  

Les enfants souffrent du regard et des paroles qui accompagne cette étiquette. Ils souffrent aussi du rejet ainsi produit. Notre équipe tente de répondre aux malaises ainsi causés chez les enfants souvent très sensibles. Cependant les blessures même cicatrisées demeurent en eux sans parler de tous les autres accidents et agressions verbales directes ou non dont ils n’osent ou peuvent nous parler.

Cela est cher payé pour une fiction collective.