Mercredi 1er Novembre 2006
Cher Francis,
Cette Toussaint 2006 est des plus contrastée. A l’extérieur la chaleur et la lumière intense ainsi que ce léger vent donnaient à ce jour une brillance très particulière que j’aurai bien aimé fixer sur pellicule argentique avec mon attirail de reporter de guerre. Dans mon esprit par contre, de la pluie, des nuages et de grandes incertitudes tout cela causé par le fait de penser une fois de plus à la mort.
Un tour sur le cimetière pour voir les gens se presser autour des tombes puis le retour au foyer en buvant un thé d’Amsterdam au fort goût boisé accompagné de scones (biscuits secs traditionnels d’Écosse). Une petite virée dans l’espace sur l’Enterprise suivi d’un petit somme et me revoilà devant mon clavier. Cette fois cependant je suis dans la pièce du bas.
Une telle journée ne m’a laissé que très peu de temps pour méditer sur le sujet préoccupant du jour; la mort. De toute façon vu que je t’en parle très régulièrement, il n’y a pas de raisons d’en dire encore plus en ce jour. Enfin si, peut-être…
Je voudrais juste te dire que pour cette Toussaint 2006 la mort se fait vraiment très pesante et vient ternir cette belle journée non seulement à travers les différents rites qui me rappellent que parmi les miens nombreux sont ceux qui s’en sont allés avant l’heure, mais aussi à travers la grande campagne médiatique en cours sur les dégradations irréparables subies par l’environnement. La Toussaint 2006 s’impose donc comme une bonne cuvée macabre.
En ce jour j’ai pris conscience d’être un être mortel sur une planète qui se meurt, victime après des millions d’années d’évolution d’une forme de vie devenue assez puissante pour tout anéantir en moins de 100 ans, et ce, avant de succomber elle -même des conséquences de sa propre folie destructrice.
Mais avant cela, nous allons devoir suivre les derniers soubresauts des humains qui tels des insectes nécrophages continueront à pulluler sur ce cadavre de planète jusqu’au jour où il ne leur restera plus rien à assimiler. Fort heureusement les programmes spatiaux ont été fortement ralentis, il y a ainsi de bonnes chances pour que cette infection reste en quarantaine dans ce quadrant avant de disparaître dans le néant sans avoir pu envoyer d’autres représentants sur d’autres planètes terraformées.
En attendant, nous voici condamnés à être les spectateurs frustrés et démunis des différents événements qui s’annoncent sur la grande scène. Les famines, les guerres, les catastrophes naturelles, les images quotidiennes de ce monde à l’agonie… Enfin tous ces signes avant coureurs du grand final qui nous empêchent d’espérer autre chose que la non-existence de la réincarnation.
Préparons-nous donc Francis, la grande Toussaint approche, celle qui ne laissera ni tombes, ni fleurs, ni visiteurs du premier novembre…
13 ans plus tard, à la lumière des catastrophes écologique et économiques imminentes, mon texte est malheureusement encore plus d’actualité. De quoi bien saper le moral. Désolé mais moi aussi je préfère quand j’ai tort. 😥